AE (Arbres Essentiels) : Le père

Publié le 8 Octobre 2018

AE (Arbres Essentiels) : Le père

Interminable fuite de temps
Vers un infini qui connaît des limites
Longue cicatrice
En son cœur
En son âme
Développée
Sang-sève : sang-entier
Le père
Du haut de sa canopée
Veille surveille engendre sème
Sa sève de futur
Son sang d’agonie.

Ombre propice à la rêverie
Ombre futile fille des muses et des elfes
Ombre sage parfois délurée
Qui sombre dans la châtaigneraie.

Inépuisable source de farine et de joie
Liesse des cochons
Fils des sous-bois
Fruit béni non par les rois
Mais
Par la faim qui du fond de l’abîme-estomac
Crie ses mille mercis à petite voix.

Chlorophylle de l’aiguille et du fil
Eprise
Couturière habile et prospère
Fille du mystère et du dentelé
Mère de plumetis fleuris
Dans la gaze et dans la tendresse
Naissent les plus belles promesses
Fille ou garçon
Sans façon
Le fruit sera toujours un fruit
D’abondance.

Irritabilité de celui qui frémit
Face au danger
De celui qui grandit
Et parfois
Chancelle
De celui qui étend ses bras comme pour envelopper
Un terroir
Comme pour ne pas céder aux limites
Inquiétude de père
Responsable
De tant d’enfants
Un érudit un humble un riche de sa vieille promesse
Un qui dicte conte raconte surgit dans la vie telle une fleur
Sur un trottoir défoncé
Sur une plage déserte
Dans une prison froide et crue.

Guerrier qui par la force de l’amour
De la conviction
Du devoir à accomplir
Lève ses enfants face à l’ennemi :
Poings de châtaigniers levés
Tels des points d’exclamation
Une forêt de points qui s’expriment :
Par la farine
Par le doute
Par le fruit desséché
Par la terre qui s’érode
Par la feuille qui décline
Par le suc qui s’épuise
Par la fleur qui avorte
Par l’hôte sans table ni lit
Par le bois qui gémit
Par le ciel assombri
Par la pluie qui n’y croit goutte
Par la sève appauvrie
Par la maladie qui vient tel un point au bout d’une phrase trop durement touchée
Par la faune qui déserte
Ventre vide
Apeurée
Par le frôlement discret d’une main sur une écorce
Vibrante de fièvre
Par le regard indiscret sur une agonie
Par le regard tendre qui veut figer ce qui reste encore
Par le message profond d’un sang neuf à transcrire
A crier à rimer à danser à pleurer à gémir à diffuser.

Au nom du châtaignier
Père de la farine et des sens
La vie a perdu le sien
Quand l’ombre ne tient plus
Sa promesse.

Carole Radureau (08/10/2018)

Rédigé par caro et hobo

Publié dans #Bosques petrificados

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C
Oui les arbres chantent et qu'ils soient châtaigniers dans la charpente de Ferrat , cercueil chez Brassens ou pins chez Ikea ,leur complainte est émouvante .
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C
Une chorale d'arbres, ça doit être un événement inoubliable. C'est vrai que la chanson ne les oublie pas, il y a un sacré panel de beaux textes quand on veut se donner la peine de chercher. Merci de ta visite Chinou.
A
J'aime beaucoup ton parallèle avec le père, et Ferrat ici était incontournable, naturellement.
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C
A mes yeux le châtaignier est le père, il en a toute la capacité et le coffre.
E
Merci pour ce joli texte. Hier, nous étions à une conférence, et avons écouté les arbres faire de la musique... ça fait une belle continuité
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C
Cela doit être une expérience incroyable, je crois que beaucoup de choses s'expriment au-delà du bruit de la civilisation. Simplement, il faut savoir écouter.